À Paris, pas besoin de se rendre à la Comédie Française pour être spectateur. Dans la capitale, tout est spectacle. Le ‘people watching’ est un des rites dont les parisiens raffolent. À la fac, quand je prenais un café ou un apéro après les cours et je discutais des ragots avec mes copains et copines, on regardait les gens passer avec le plus grand sérieux et on ne manquait pas non plus de se moquer de la tenue de certain(e)s. De la couleur des chaussettes (à cette époque, autant qu’aujourd’hui, les chaussettes blanches pour un homme c’est la catastrophe, faites défiler les photos et vous verrez les fameuses chaussettes blanches), en passant par le maquillage, la longueur de la jupe…. Tout y passait.

Un autre jeu était de deviner la nationalité des passants. Les Américains, c’est facile : en été les hommes portent des shorts. Pour ceux qui ne sont pas français, vous verrez rarement un homme français porter un short en ville. Lorsque j’habitais à New York, je me promenais avec mon chien tous les jours dans Central Park et il y avait des vagues saisonnières de touristes. Là, je reconnaissais entre mille les français : les femmes aux cheveux courts, pas maquillées, et les lunettes typiquement françaises. A force de regarder, on excelle dans l’art de l’observation. Pourtant, les français ne sont pas connus pour leur subtilité… J’ai un très fort souvenir de la façon dont ma grand-mère regardait les gens, par exemple. Quand elle rencontrait une personne, elle la regardait de la tête aux pieds, mais sa tête accompagnait ses yeux. Comme ma grand-mère, les années passent et moi, je continue de regarder.

Pourtant, le ‘people watching’, c’est bien plus qu’une activité pour faire passer le temps pendant qu’on attend que le serveur nous amène notre café : c’est aussi une source d’inspiration. Après tout, on est un peuple d’analyse, de réflexion, et d’interrogation. La légende veut que Jean Paul Gaultier se promenait dans les quartiers populaires de Paris pour trouver de l’inspiration pour ses nouvelles collections. C’est aussi grâce à cette pratique d’observation qu’existent certaines des œuvres les plus précieuses de la littérature française ; le flâneur, unique à notre pays et nos artistes, et à qui Baudelaire faisait allusion en dédiant un poème des Fleurs du Mal à une passante’ :

Le ‘people watching’, c’est aussi cette réflexion typiquement française, de se poser des questions comme Baudelaire : d’où vient cette femme ? Comment se connaissent ces deux personnes qui chuchotent autour de deux verres de vin ? Ou bien même, « ne te verrai-je plus que dans l’éternité ? »

Se poser seul dans un bar avec un verre, un bouquin, ou les deux, c’est aussi la meilleure façon de tomber amoureux de Paris en observant les personnes qui font vivre la ville. Dans chaque quartier, on vit une histoire différente.

A Belleville, par exemple, il est difficile de ne pas penser qu’on est bien en retard sur les tendances, entouré de tenues éclectiques et de styles audacieux.

À l’opposé, rendez-vous dans le seizième, c’est le terrain de prédilection des BCBG : des femmes aux tenues classiques accessoirisées de bijoux, sacs et escarpins savamment choisis et qui marchent si rapidement qu’on dirait qu’elles sont nées avec des hauts talons. Si on cherche la mode avant-garde, ce n’est pas ici qu’on va la trouver.

Dirigeons-nous vers le sixième, quartier qui respire toujours l’air artistique fidèle à ses racines. Ici, tout est dans le classique décontracté. Les femmes, à peine maquillées adoptent des tenues faciles à porter mais elles incluent toujours un petit détail qui reflète les tendances du moment, quant aux hommes ils portent des vestes bien coupées avec des jeans et point d’honneur à une écharpe de couleur vive.

Pour finir, direction Marais ! Dans ce quartier historique, où se mêlent galeries, petites boutiques indépendantes et fallafels incontournables, tout le monde est le bienvenu, peu importe son âge, race, ou sexualité. Pour les meilleures places au spectacle de la vie parisienne, posez-vous, un soir, dans un café du Marais. Ce quartier bien branché vous permettra de vous divertir dans l’art du ‘people watching’ jusqu’à l’heure de la fermeture. Si vous cherchez plutôt à connaître le romantisme parisien rendez-vous au square de la place des Vosges, c’est la liberté totale pour les amoureux. Attention, le ‘people watching’ est donc à éviter à tout prix si les signes d’affection en public ne sont pas votre tasse de thé. A Paris, on est toujours amoureux, et on ne le cache à personne.

Une autre preuve ?… À la sortie du métro qui donne sur la place Colette ou encore place Saint Sulpice au moment du coucher du soleil. Avec un peu chance, la place a été transformée en piste de dance, et on est accueilli par des couples, jeunes et moins jeunes, qui dansent le paso doble au milieu de la place.

Ce sont toutes ces petites observations quotidiennes qui rendent la capitale si unique. Pour moi, il n’y a donc pas de meilleur endroit au monde pour pratiquer le ‘people watching’ que la ville aux cent villages. Quel spectacle de vie Paris offre à ses habitants chaque jour !